Des recommandations nutritionnelles de santé publique pour la population française qui intègrent la santé de la planète ! C’est une véritable révolution qui a eu lieu au sein de la politique nutritionnelle de santé publique développée en France depuis plus de 18 ans ! Pour la première fois, les repères de consommation alimentaire destinés à être diffusés à la population générale afin d’aider les consommateurs à s’orienter vers des comportements plus favorables à la santé, ont intégré des dimensions environnementales. Ces nouvelles recommandations publiées récemment par Santé Publique France s’appuient sur le travail réalisé par le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Celui-ci a défini leur cadre général en s’appuyant sur un socle scientifique produit par l’ANSES et en se plaçant résolument dans une perspective globale de santé publique. Le HCSP a pris en compte les données épidémiologiques sur les relations entre l’alimentation et la santé et leur plausibilité biologique. Mais, pour la première fois, une cohérence avec la durabilité a été recherchée afin d’avoir la meilleure convergence possible entre les dimensions nutritionnelles et environnementales dans le contexte de l’épuisement des ressources naturelles et de l’écotoxicité : consommation d’aliments végétaux vs consommation d’aliments animaux par rapport à la santé des individus et la protection de la planète. C’est donc réellement et exclusivement sur des bases scientifiques solides qu’ont été établies ces nouvelles recommandations proposant à privilégier une alimentation riche en produits végétaux (fruits et légumes, produits céréaliers complets, légumineuses et fruits à coque,...) et limité en produits animaux (viandes, charcuteries et produits laitiers). Ces recommandations, ont également indiqué, ce qui n’avait jamais été formulé jusqu’à présent, l’intérêt de privilégier la consommation d’aliments végétaux issus de modes de production diminuant l’exposition aux pesticides. Cette prise de position a été justifiée, au nom du principe de précaution, de réduire l’exposition des consommateurs aux pesticides (elle est aujourd’hui renforcée par l’accumulation de travaux scientifiques suggérant une association entre consommation de produits Bio et un risque plus faible de maladies chroniques). D’autre part, tant pour tendre vers un équilibre nutritionnel optimal que vers une alimentation durable, les recommandations poussent à privilégier l’utilisation de produits bruts, d’aliments de saison, de circuits courts et des modes de production respectueux de l’environnement, c’est-à-dire avec une limitation des intrants. Ces nouvelles recommandations, qui seront diffusées d’ici peu via des campagnes de communication vers la population, sont en parfaite cohérence avec les objectifs quantifiés fixés par le HCSP pour la future politique nutritionnelle de santé publique. Ces objectifs visent à ce que l’ensemble de la population (incluant les populations défavorisées) soit en adéquation, dans les 5 ans à venir, totalement ou partiellement (selon les objectifs), avec les recommandations nutritionnelles. Certains de ces objectifs relatifs aux aliments végétaux et animaux, ou liés à la consommation de produits bruts et Bio (par exemple pour les produits Bio, que 100 % de la population consomment au moins 20% de leurs consommations de fruits et légumes, produits céréaliers et légumineuses issues de produits BIO par semaine), s’ils sont atteints, devraient avoir, au-delà de l’intérêt pour la santé de la population, un impact environnemental important. Encore faut-il pour atteindre les objectifs fixés, que les mesures de santé publique du futur PNNS qui seront décidées par les pouvoirs publics soient réellement à la hauteur des ambitions. Face aux arguments scientifiques qui s’accumulent et à la forte demande sociétale vis-à-vis de ces grands enjeux de santé publique et environnementaux, on peut espérer que la volonté politique soit au rendez-vous.
Serge Hercberg, Professeur de Nutrition Université Paris 13 /Département de Santé Publique Hôpital Avicenne, Bobigny, AP-HP, Equipe de Recherche en Epidémiologie
© Agreenium, l'alliance de la formation et de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation, l'environnement et la santé globale